Gestion et Politique de l'eau - Module 4

Au début de 2017, je me suis inscrit à Coursera pour le cours « Gestion et Politique de l'eau » qui consiste en cinq modules.

L'échelle la plus cohérente de gestion de l'eau, c’est le périmètre du bassin. Dans ce module, on verra comment la Suisse, un pais assez fragmenté au plan institutionnel, parvient à essayer de mettre en place une gestion à l'échelle de son bassin. On abordera également à quelle manière le Rhin et le Rhône se sont dotés d'instances, d'autorités et de dispositifs de gestion de leur bassin versant.

Voilà, le résumé du quatrième module.

Module 4 La gestion intégrée par bassin versant


Au cours du XIXe siècle, il est apparu de plus en plus important de gérer l'eau à l'échelle d'un bassin versant. À ce temps, il y avait deux usages clés : la gestion des crues et la protection contre les eaux et la production de l'hydroélectricité. La protection d'une ville en aval était de plus en plus dépendante des mesures de protection et de prévention en amont. Tout commençait, en fait, aux États-Unis dans les années 20 et jusqu'aux années 40, avec le développement des grands barrages hydroélectriques. Par exemple, L'État fédéral à Washington considérait la Colorado une rivière d'intérêt national et elle poussait les états à se coordonner pour produire de l'électricité et à gérer la force hydraulique de façon la plus optimale possible.


En France, à la même époque, on devait se coordonner pour la gestion du Rhône : pour la navigation, pour le développement des barrages hydroélectriques et pour la gestion des crues. On a créé des sociétés intégrées pour le cours d'eau, telle que la Compagnie nationale du Rhône, qui va être dédiée justement à la gestion complète, totale, du Rhône.  L'État créait aussi, en 1964, d'agences de l'eau. C’étaient des acteurs publics qui allaient impliquer les usagers avec des comités de bassin. De ce temps, on considérait l'eau comme une ressource naturelle avec des problèmes de pollution et non plus comme un potentiel économique seulement.

La Directive Cadre sur l'Eau au plan européen de 2000 prévoyait surtout l'atteinte d'un bon état écologique à l'échelle du bassin. On allait essayer de fixer des normes de qualité pour l'ensemble d'un cours d'eau, d'un fleuve et d'un bassin hydrographique. On allait pousser indirectement à mettre en place toute une série d'institutions et d'autorités en charge de la gestion de ces bassins. Les pays les plus fédéraux, fédéralistes, tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas, avaient plus de difficultés à mettre en œuvre les instances de gestion par bassin. Ces pays allaient avoir tendance à rester sur une gestion plus fragmentée.

Les espaces fonctionnels au-delà des bassins versants

Les espaces fonctionnels prennent en charge une fonction principale. Ce sont des territoires d'action publique qui se distinguent des territoires classiques (les communes, l’État, qui restent jusqu'alors à vocation généraliste). Un espace fonctionnel est territorialisé et s'organise autour de rivalités pour l'accès, l'appropriation et la redistribution de biens et de services. Il y a quelques enjeux de définition des espaces fonctionnels :

  1. L'essence functionelle : ils se concentrent sur une seule compétence.
  2. La périmètre avec critères naturels et politique : l'échelle du bassin n'est pas, forcément, l'échelle pertinente, car les usagers peuvent se trouver dehors un bassin-versant. Il est un mélange de définitions sur des bases matérielles et scientifiques et sur des considérations politiques. 
  3. La redistribution entre les acteurs : une nouvelle autorité définit des règles et des droits d'usage, ce qui va poser des problèmes de redistribution.

La création de ces bassins est forcément génératrice de tensions à trois niveaux :

  1. Le bassin ne peut pas réguler l’ensemble des fonctions et des usages de l’eau. C'est pour ça que ces espaces fonctionnels sont sélectifs et prennent en charge seulement certaines de ces fonctions : dans le bassin du Danube on se consacre avant tout à la navigation, dans le bassin du Rhin aux pollutions et dans le bassin du Rhône à l'hydroélectricité.
  2. Le bassin dispose toujours de limites perméables. Il est difficile d'envisager des périmètres parfaits qui se découpent idéalement en fonction de la totalité des usages que l'on veut prendre en charge. 
  3. Les frictions avec les territoires institutionnels demeurent inévitables. La céation d'une agence de bassin impose une capacité de contrôle et de commandement sur l'ensemble des territoires préexistants. Elle sera toujours en train de négocier sa marge de manœuvre, sa capacité d'action et de commande à l'endroit des territoires préexistants. 

La gestion intégrée par bassin en Suisse 

La Suisse est un pays montagneux. Alors d'un point de vue topographique, cela se traduit par une multitude de bassins versants de petite taille. Une seconde fragmentation est institutionnelle. Tout d'abord, la Suisse est une confédération, composée de 26 cantons souverains, qui sont liés entre eux par une constitution fédérale. Ensuite, malgré une taille limitée, le pays compte un grand nombre de communes, 2 532 au 1er janvier 2014. Elles sont également autonomes, et disposent de compétences propres dans les limites fixées par le droit cantonal.

À l'échelle internationale, la gestion intégrée par bassin est promue en vertu de sa capacité à mettre en place une gestion décentralisée. Cependant, compte tenu les fragmentations territoriales, topographique, et institutionnelle, l'objectif de la gestion intégrée par bassin en Suisse est de régionaliser la gestion et la régulation des usages de l'eau. 

En Suisse, la Loi fédérale sur la protection des eaux de 1991 ne fait pas explicitement référence au bassin versant, elle tend à concilier trois préoccupations ; la protection contre les crues, la protection des eaux et l'exploitation des ressources. L'ordonnance qui l'accompagne, à partir de 1998, entérine ce principe, à la fois d'intégration et d'écologisation. En 2003 paraît un rapport sur l'économie des eaux. On y expose le principe d'une gestion intégrale de l'eau, qui permettrait de concilier à la fois les usages, à la fois la protection du milieu, et également les mesures permettant de se protéger contre les risques liés à l'eau.

Tout l'enjeu d'une gestion intégrée par bassin versant relève d'une double intégration : une intégration horizontale (la gestion transsectorielle qui concilie les différents usages et ressources), et une intégration verticale. Deux projets de recherche, un projet en 2007 et le projet IWAGO plus récent, montrent que l'hétérogénéité des différentes manifestations d'une gestion intégrée de l'eau est relativement grande. L'autonomie communale et le fédéralisme imposent d'accepter des modalités plus flexibles. Ainsi, si le modèle théorique sur le bassin versant est clair, sa concrétisation ne se traduit pas nécessairement par une adéquation aux préconisations initiales.

La notion de gestion intégrée par bassin est officiellement énoncée lors de la conférence de Mar del Plata, en 1977. Il y a trois raisons pourquoi, dans le cas suisse, l’idée d’un bassin versant a émergé plus tard :

  1. Il y avait moins besoin de gérer par bassin versant car on n'a pas encore de très gros problèmes de gestion des eaux en Suisse 
  2. La démocratie directe, en Suisse, ce n'est pas le gouvernement qui gouverne, c'est le peuple qui gouverne. C’est difficile de voir dans ces conditions-là émerger des concepts qui sont relativement centralisateurs.
  3. La fédéralisme :  l'État central est faible, voire inexistant

Le concept de la gestion intégrée a un axe vertical et horizontal. C’est l’intégration verticale entre les différentes strates de la gestion des eaux (l'assainissement urbain, l'eau potable, la gestion des nappes souterraines, l'hydrologie, la protection contre les crues, tous les aspects environnementaux). C’est l'intégration horizontale entre les différentes strates des autorités. Par exemple, à Genève c'est le canton qui a la haute main sur la gestion des eaux et on fait de la gestion intégrée depuis longtemps. Dans la plupart des autres cantons, ce sont les communes qui la font.

Alors, pour faire de la gestion intégrée, il faut fédérer les communes. Cette fédération de communes, elle s'est faite par thématiques. Par exemple, pour l'eau potable, on a regroupé des communes en associations intercommunales pour la production et la distribution d'eau potable. L’intégration exige énormément de communication. Puisque finalement c'est le citoyen qui va décider, il faut convaincre le citoyen, il ne faut pas convaincre le gouvernement ou les politiques.

Il y a toute sorte de bassins versants : des bassins versants hydrologiques (les cours d'eaux), hydrogéologiques, techniques (ceux du captage, de la production et de la distribution d'eau potable), de l'assainissement urbain (des récoltes des eaux usées, du traitement, de la restitution dans le milieu) et de l'hydroélectricité (qui fait des courts-circuits entre bassins versants hydrologiques). En Suisse, ils n'existent pas de systèmes optimaux uniques de gestion des eaux par bassin versant de gestion intégrée. Il faut le faire en fonction des circonstances et des problèmes locaux.

La gestion intégrée par bassin : le cas du Rhin

La Suisse est alliée à l'Allemagne, à la France, aux Pays-Bas et au Luxembourg, au sein de la Commission internationale pour la protection du Rhin (CIPR). C’est l'institution la plus centrale, où les États riverains se retrouvent de manière régulière, alors c’est un réseau formel. Les réseaux informels sont les réseaux où les acteurs échangent directement, non pas à travers les institutions mais directement.

Les mesures pour combattre la problématique des micropolluants sont entreprises à l'échelle nationale. La gestion par bassin versant peut-être particulièrement appropriée pour faire que les différentes mesures entreprises par différents États riverains à différentes échelles, ne soient pas contradictoires.

La gestion du bassin, quels enjeux politiques ?

Plus les problèmes s'accumulent, plus on prend conscience de ces problèmes et de leur interface avec la ressource en eau, plus aujourd'hui on arrive à la conclusion que le seul moyen de s'en sortir, c'est de mettre en place une politique à l'échelle où la ressource se trouve, c'est-à-dire celle, géographique, du bassin versant. Pour établir la gestion à l’échelle d’un bassin versant, on a besoin d’une forte volonté, d’une forte mobilisation des acteurs qui interviennent sur le terrain.

Les trois modèles de gestion par bassin hydrographique :

  1. La Directive Cadre sur l'Eau de l'Union : une obligation pour les États membres de travailler au niveau des bassins.
  2. l'Organisation pour la Mise en Valeur du Sénégal : grâce au système de la construction d'ouvrages communs qui n'appartiennent pas aux États membres mais à l'organisation. On rentre dans une logique de biens communs de bassins, d'optimisation des infrastructures, et réellement d'une véritable solidarité. 
  3. Le cas du Brésil, ou la politique de bassin vient des citoyens : on a plus de 250 comités de bassins qui s'auto-animent tous seuls avec une vraie démarche participative, cette politique de bassin vient du terrain. On commence à mettre en place des redevances, des taxes spécifiques, sur les prélèvements d'eau ou sur les pollutions, qui permettent d'alimenter des fonds, qui vont ensuite permettre d'aider les maîtres d'ouvrage à améliorer la situation de l'eau dans les bassins. C'est une politique qui n’est pas décidée au niveau gouvernemental comme les premiers deux modèles.

Les trois modèles de gestion par bassin hydrographique

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