Développement Durable - Module 6

Au début de 2017, je me suis inscrit à Coursera pour le cours « Développement Durable » qui consiste en huit modules : l'économie, la démographie, l'énergie, les ressources minérales, le climat, l'eau, l'agriculture et finalement un module de devoirs.

Voilà, le résume du module 6 sur l'eau.

Module 6  Eau

Une ressource devient stratégique lorsqu’elle recoupe deux caractéristiques fondamentales : indispensable (à la survie du système qu’elle alimente) et rare. Le contrôle d’une ressource stratégique dépend de trois facteurs : sa localisation, son acheminement et son industrie d’exploitation. La localisation d’une ressource est déterminante pour expliquer les relations entre les différents acteurs. L’acheminement d’une ressource nécessite la création d’un réseau, d’une infrastructure d’approvisionnement et de distribution.

Une ressource n’est stratégique que si elle est exploitable et qu’il existe l’industrie pour la rendre exploitable. Le processus de transformation d’une ressource brute en une ressource consommable est fondamental. Si une telle industrie de transformation n’existe pas, l’exploitation de la ressource devient inutile. La réponse aux différentes questions soulevées par cette définition d’une ressource stratégique va nous permettre de comprendre les enjeux liés à l’eau dans le contexte géopolitique actuel :

- A quoi l’eau est-elle indispensable ?
- Est-elle rare ?
- Comment est-elle répartie à la surface du globe ?
- Comment est-elle distribuée ?

L’eau potable (non salée) et accessible (qui n’est pas emprisonnée dans les glaciers par exemple) ne représente que 0,7 % de l’eau sur Terre. Une étude de 2002 estime à 42 700 km3/an (soit une quantité moyenne par personne de 6 500 m3/an) les ressources exploitables en eau potable. L’homme exploite actuellement un peu moins de 10 % du potentiel disponible, soit 650 m3/personne/an.

Disponibilité en eau douce (2008)

La moyenne mondiale est ainsi passée de 16 800 m3/personne/an à 6 500 m3/personne/an. A l’horizon 2025, ce volume sera passé à 5 100 m3/personne/an. Et cette diminution se fera sentir sur l’ensemble de la planète (exception faite des pays ayant une prédiction démographique négative : Allemagne, Japon, Danemark, Russie, etc.). Si l’on estime que l’exploitation de 10 % du potentiel disponible correspond à une faible pression sur les ressources en eau, 20 % sont une forte pression et 40 %, une très forte pression. Dans une trentaine d’années, et s’il n’y a pas de changement significatif dans notre consommation d’eau, notre utilisation de l’eau dépassera les 20 % du potentiel disponible et, en 2065, l’humanité atteindra les 40 % soit une croissance exponentielle en moins d’un siècle telle que l’humanité n’en a jamais connu.


Actuellement, l’eau existe en moyenne en quantité suffisante pour les besoins tant agricoles (70 % de l’utilisation mondiale de l’eau), industriel (22 %) que domestique (8 % restant). Cette répartition entre les secteurs consommateurs est très inégale selon le degré de développement des pays. Par exemple, les États-Unis prélèvent l’eau dans les ressources naturelles essentiellement pour l’industrie (45 %) ; l’Europe l’utilise à hauteur de 50 % dans l’industrie, majoritairement pour l’énergie. Quant à l’Afrique et l’Asie, au contraire des pays précédents, la consommation industrielle est réduite (environ 5 %), la majeure partie étant réservée à l’agriculture (environ 80 %).

Mais derrière ces moyennes, se cache la réalité de l’inégale répartition de l’eau. L’eau est une ressource dont la rareté dépend du croisement de deux facteurs : sa répartition géographique  et la densité humaine.

Les zones potentiellement crisogènes sont : l’Afrique Nord, le Moyen-Orient, le sous-continent indien et l’intérieur de la Chine. Dans ces régions, c’est bien la jonction des deux facteurs, pénurie d’eau et pression démographique, qui génère une situation potentiellement crisogène. Le stress hydrique, s’il n’a que très rarement été un facteur déclenchant, est un facteur aggravant des conflits sous-jacents ou existants.

Cette tension risque d’aller croissante puisque la population mondiale augmente, faisant peser de plus en plus sur cette réserve collective et limitée qu’est l’eau les besoins en irrigation, en consommation domestique et en production industrielle. Dans certaines zones, on constate déjà un déclin des volumes d’eau disponibles depuis les cinquante dernières années, en lien justement avec l’accroissement de la population et de ces besoins agricoles, domestiques et industriels.

L’indispensable propreté de l’eau

Il ne s’agit pas seulement d’avoir accès à l’eau, encore faut-il qu’elle soit propre à la consommation. Cette propreté de l’eau est l’enjeu majeur des sociétés : il s’agit alors de lutter contre les maladies hydriques et contre la pollution. L’UNESCO estime que 70 % des effluents industriels dans les pays en développement sont déversés dans la nature sans traitement préalable. Le secteur agricole est l’un des principaux utilisateurs de l’eau et contribue donc à la pollution des sols et des eaux, notamment via son usage d’engrais (nitrates et phosphates) et de pesticides. Le risque est d’accroître la concentration de la pollution dans les eaux et de la rendre de plus en plus impropre à la consommation mais aussi à l’irrigation, questionnant ainsi la qualité des aliments qu’elle permet de produire et fermant le cercle vicieux.

Le désastre sanitaire est à l’échelle mondiale : selon les chiffres de l’ONU, il meurt plus de personnes ayant bu de l’eau polluée à travers le monde que dans le cadre de conflits armés. L’enjeu est tel qu’il fait partie des objectifs du Millénaire de l’ONU.

Les tristes records des maladies hydriques

Tableau du suivi des Objectifs pour le Millénaire de l’ONU (en 2011)


L’enjeu est énorme et les différentes inégalités aussi :

  1. Inégalités géographiques : entre les pays disposant de tout le réseau d’assainissement (l’ensemble des pays industriels) et ceux qui n’ont pas un assainissement de base. La carte reflète la fracture entre pays développés et pays de développement
  2. Entre villes et campagnes : la faible densité de population en milieu rural explique des réseaux très peu développés et des puits relativement peu nombreux ;
  3. Entre centre et périphéries : certaines périphéries sont illégales (comme les bidonvilles) ou trop lointaines et leur approvisionnement dépend soit de sources non-potabilisées (directement dans les rivières) soit de systèmes de distribution alternatifs très onéreux

L’eau au cœur des conflits du XXIe siècle ?

L’eau pourrait être une ressource stratégique tant au niveau régional que mondial dans le futur. Il existe d’ores et déjà à travers le monde de nombreuses situations de tension entre deux ou plusieurs pays qui se cristallisent sur des enjeux hydriques. Les fleuves et le partage des bassins versants sont les principales raisons de ces crispations.

Les tensions apparaissent donc entre pays en amont et pays en aval du fleuve et principalement lorsque le pays amont décide de mettre en place des infrastructures (barrages, centrales hydroélectriques…) pour stocker, dériver, canaliser, drainer les eaux ou produire de l’énergie. Le risque pour le pays en aval est la perte d’une partie conséquente du débit du fleuve, une dégradation de la qualité de son eau (avec une pollution liée aux activités humaines en amont), voire des catastrophes écologiques (comme la mer d’Aral) ou sociales.

Le cas du Nil permet une bonne étude de l’évolution des mentalités vis-à-vis de la ressource en eau. Longtemps utilisées dans une logique prédatrice et sans se soucier de leur durabilité, les ressources fluviales tendent de plus en plus à être appréhendées dans leur ensemble et continuité, et non plus seulement en fonction des frontières territoriales des pays d’elles traversent.

Ainsi passe-t-on du concept d’hydro-hégémonie, pays ayant « suffisamment de pouvoir au sein d’un bassin versant pour assurer la direction du contrôle des ressources en eau et agir ainsi comme un leader vis-à-vis des autres pays riverains du bassin » à celui de l’hydro-diplomatie : les pays ont plus intérêt à coopérer pour une gestion commune de l’eau, qui leur apportera plus qu’une gestion unilatérale.

Les évènements lies aux cours d’eau transfrontaliers de 1948 à 1998

L’exemple du barrage d’Assouan permet d’illustrer les erreurs commises, inhérentes à l’époque et à la difficulté d’anticiper les conséquences écologiques. Sans avoir provoqué un désastre de l’ampleur de la mer d’Aral, le barrage d’Assouan a sapé les pratiques traditionnelles des paysans égyptiens et les a fait entrer dans une ère de la dépendance :
  • Les limons venus des hauts plateaux éthiopiens sont retenus par le barrage qui s’envase un peu plus d’année en année ;
  • Les terrains n’étant plus fertilisés par ce limon, l’agriculture égyptienne a recours à des engrais chimiques ;
  • On suspecte le recours à ces engrais d’être à l’origine du développement de certains cancers ;
  • La concentration saline en aval du lac Nasser s’élève et accroît la salinisation des sols ;
  • Le barrage a contribué, avec les prélèvements massifs, à la quasi-disparition du poisson du Nil. Les paysans dépendant maintenant de la pisciculture du lac Nasser et doivent payer pour une ressource alimentaire qu’avant ils péchaient.
À travers cet exemple, on cherche à démontrer la nécessité de considérer l’ensemble des services éco-systémiques d’un fleuve, et pas uniquement son potentiel hydro-électrique ou d’irrigation. L’initiative du bassin du Nil, créée en 1999, doit être le lieu privilégié d’une telle réflexion, globale et englobante, visant à une gestion commune de l’ensemble des services naturels du fleuve.

Dans le cas de l’eau, trois conceptions juridiques s’affrontent :
  1. La doctrine de la souveraineté territoriale absolue, permettant à l’Etat d’user comme bon lui semble des eaux qui le traversent. Cette doctrine donne alors un avantage considérable à l’État amont ;
  2. La doctrine de l’intégrité territoriale absolue : le fleuve doit s’écouler avec le même débit dans tous les États qu’il traverse. Cette doctrine est donc plus favorable aux États aval ;
  3. La doctrine de gestion commune des eaux par les États d’un bassin versant.
Une quatrième doctrine est souvent utilisée pour justifier certains états de fait et éviter leur remise en cause, c’est celle du droit du premier utilisateur.

Le marché de l’eau, l’autre facette de la géopolitique de l’eau

Le cumul de deux facteurs, l’accroissement démographique et l’accroissement de la pollution et de la dégradation des sources d’eau, pose un enjeu énorme à l’humanité : sa capacité à offrir de l’eau potable à tous dans le futur. Est-il possible d’initier une gestion durable de la ressource, qui passe nécessairement par des innovations technologiques (dessalement et recyclage des eaux usées notamment).

1. Enjeu politique : la rivalité entre les acteurs publics et privés


L’accès à l’eau potable est un droit universel reconnu désormais par les Nations Unies. Elle est aussi devenue un marché. Si aujourd’hui seul 9 % de la population mondiale est desservie en eau par une entreprise privée (elle n’était que de 2 % il y a 20 ans). En France, le pourcentage monte à 80 %. Les collectivités publiques ont largement délégué leur gestion de l’eau aux acteurs privés, or ces délégations se sont faites dans des conditions contractuelles largement déséquilibrées. Il y a un mouvement de remunicipalisation de l’eau a lieu aussi bien au niveau français qu’international. Il s’appuie sur une dénonciation de la surfacturation des services. Les renouvellements de délégation de services publics aux sociétés privées sont l’occasion de renégocier les contrats. Les prix ont été revus à la baisse, ce qui indique que les termes de l’échange se rééquilibrent. Dans certaines villes françaises, la baisse de prix à qualité égale a pu atteindre jusqu’à 40 %.

Le discours au début des années 2000 a donc évolué du « full cost recovery » (recouvrement intégral) au « sustainable cost recovery » (recouvrement soutenable des coûts). De nombreux pays s’orientent donc vers une remunicipalisation de la distribution de l’eau (en Amérique du Nord comme du Sud notamment).

2. Enjeu économique : les entreprises privées à la conquête du monde ?


Avec l’essor économique des pays émergents et les besoins criants de ces pays, le marché offre de belles perspectives. Deux modèles s’affrontent : le modèle français, avec les capacités d’un grand groupe international qui peut ainsi avoir une approche globale de la gestion de l’eau, alors que les acteurs locaux tendent à se spécialiser sur un segment particulier, spécifique.

Une cartographie des marchés de l’eau s’est dessinée : L’Amérique latine a réservé de bien mauvaises surprises, l’Afrique n’enregistre que quelques contrats garantis par de l’argent public, l’Europe bien qu’elle soit un marché mûr, a dégradé la qualité de sa ressource et a de gros besoins en dépollution, l’Asie, avec la Chine en tête et le sous-continent indien, sont des zones stratégiques pour le développement de nouveaux marchés.

Le cycle hydrologique et l’eau virtuelle 

Le cycle hydrologique est un modèle qui décrit le parcours de l’eau entre les grands réservoirs que sont l’atmosphère, les océans et mers, les lacs, les cours d’eau, les nappes d’eaux souterraines et les glaciers. Ce cycle est entretenu par l’évaporation de l’eau grâce à l’énergie solaire. L’évaporation est le phénomène de passage de l’eau liquide surfacique (océans, cours d’eau, lacs) à l’eau vapeur. L’évapotranspiration est une évaporation d’eau à partir de sources solides : la végétation (on parle alors de transpiration) et les sols. La sublimation est le passage direct de l’état solide à l’état gazeux, des neiges et glaciers vers l’atmosphère. Durant son cycle, l’eau va donc constamment s’échanger entre ces différentes sources par le biais des précipitations et des évaporations.

Il y a quelques années qu’on a introduit la notion d’eau virtuelle ou empreinte eau « Water footprint ». C’est le volume total d’eau virtuelle nécessaire pour produire un produit ou un service, c’est un indicateur qui permet d’évaluer l’impact d’une industrie ou d’une activité sur la ressource en eau. On distingue trois types d’empreinte eau :
  • Empreinte eau bleue : eau virtuelle nécessaire à la production considérée, issue de ressources d’eau bleue (eaux de surface et souterraines)
  • Empreinte eau verte : eau virtuelle nécessaire à la production considérée, issue de ressources végétales et sols
  • Empreinte eau grise : eau polluée générée par la production considérée

Empreinte eau de différents produits industriels et alimentaires


On ne se rend souvent pas compte de l’eau nécessaire pour toutes sortes de consommations journalières habituelles et l’empreinte eau est un outil précieux pour la prise de conscience des consommateurs. Elle permet également d’évaluer l’impact de différentes filières socio-économiques, de pointer les problèmes et d’envisager des alternatives aux postes les plus consommateurs.
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